Les ancêtres
Aristide Bruant nait le 8 mai 1851 à Courtenay (Louis Armand « Aristide » Bruand) de Pierre Louis Edmé Bruand (1825 Chantecoq – 1905 Subligny) et de Adèle Nathalie Cabourdin (1831 Courtenay – 1914 Courtenay).

En 1905, son père Pierre Louis Edme Bruand meurt, âgé de quatre-vingt ans. Le couple réside alors à Subligny. (Yonne).

Adèle Cabourdin meurt quant à elle à Courtenay, 1 rue Notre Dame, le 12 mai 1914, dans une maison acquise par son fils le 11 Juillet 1913, et qui comporte deux niveaux : au rez-de-chaussée trois chambres et une salle à manger éclairée sur la rue, et un corridor débouchant sur une petite cour pourvue de cabinets d’aisance et au premier étage trois chambres et une petite pièce servant de cuisine éclairée sur la cour, cave et grenier.
L’acte de décès est signé des deux Aristide Bruant, fils et petit-fils de la défunte (et d’Armand Chesneau, maire).

Aristide Bruant meurt brutalement d’une crise cardiaque le 12 février 1925 à Paris dans son domicile de la rue Christiani. Il souffrait d’angine de poitrine.

Il est enterré à Subligny avec sa compagne Mathilde Tarquini d’Or et ses parents.

Bien que son père se soit ruiné, les ancêtres d’Aristide Bruant étaient des notables de Courtenay et des alentours.
Son grand-père paternel, Edmé Bruand, était propriétaire et maire de Chantecoq. Il est mort en 1861, Aristide avait 10 ans. Son arrière-grand-père, Louis Bruand, était notaire. Le père de sa grand-mère paternelle Madeleine Dauphin (morte en 1869, Aristide avait 18 ans), Philibert Dauphin, était maréchal ferrant. Du côté de sa mère, son grand-père et ses deux arrière-grands-pères étaient drapiers. La mère de sa grand-mère maternelle (Catherine Thuilland, morte en 1858, Aristide avait 7 ans), Julie Brochiot, appartenait à une ancienne et respectée famille de juristes curtiniens puisque son père était huissier royal et son oncle, François Brochiot, était notaire et a été maire de Courtenay en 1806. Julie Brochiot, arrière-grand-mère d’Aristide, est morte à Courtenay en 1871. Elle avait 86 ans et Aristide 20. Un ancêtre de Julie, François Brochiot, huissier royal (1631 – 1712) était le grand-oncle d’un autre curtinien célèbre : le chirurgien Jacques Tenon.

L’enfance
Aristide passe les douze premières années de sa vie à Courtenay. Il parcourt avec délices la campagne gâtinaise, comme il le raconte dans la préface à l’édition de 1924 de « Dans la rue ». Ses dons musicaux précoces le font remarquer par François Philippe Désiré Merlet, curé, qui prend en charge son éducation musicale et lui enseigne également les rudiments du latin. Il peut ainsi entrer en sixième au collège impérial de Sens. S’il obtient de bonnes notes en composition française, latin et grec, il se révèle complétement réfractaire aux mathématiques.

Malheureusement, les affaires de son père périclitent et en mars 1863, les biens de Pierre Louis Edmé Bruand sont vendus aux enchères pour cause de faillite prononcée le 8 Janvier 1863, (acte retranscrit aux hypothèques de Montargis le 8 mai 1863 (conservé aux AD 45, Orléans) sous la houlette de maître Amédée Félix Perrier, notaire à la Selle sur le Bied.
Cet acte nous permet d’apercevoir le domicile qui fut celui d’Aristide jusqu’à ce jour fatidique : les biens vendus se composent d’une maison située à Courtenay avec un jardin, et de diverses pièces de terre ou de bois réparties dans l’Yonne (Savigny) et le Loiret (Chantecoq, Chuelles).
La maison était « située à l’entrée de la ville, rang du haut, sur la route impériale n° 60 d’Orléans à Nancy ». Elle se composait d’un corridor donnant sur la route et sur la cour, salle à manger et salon à l’est du corridor, deux chambres à feu (munies d’une cheminée) et deux cabinets à l’ouest, cuisine au sud de la salle à manger. Au premier étage, quatre chambres à feu et une sans cheminée, grenier au-dessus du tout couvert d’ardoises, cave. Un corps de bâtiments à l’ouest de la cour, composé d’un hangar, une buanderie, une chambre à feu, une salle de bains, remises, écurie et cabinet d’aisance ; grenier couvert d’ardoises au-dessus de ce bâtiment. Cour au sud de la maison d’habitation et à l’est des bâtiments ci-dessus. Cette cour a son entrée au pignon ouest de la maison par une porte cochère donnant sur la route impériale. Un jardin au sud de la cour s’étend jusqu’aux promenades de la ville. Cette maison avait été acquise par Mr et Mme Bruand de Mr Jules Huet, bottier et son épouse le 12 novembre 1856 (notaire Rousseau). Il ne s’agit donc pas de la maison natale d’Aristide.
La famille quitte Courtenay pour Paris et une vie d’errance. Aristide restera pensionnaire au lycée de Sens pendant quelques années, jusqu’à ce qu’à 17 ans, son père déclare qu’il doit gagner sa vie.
Aristide Bruant militaire
En 1870, la guerre franco-prussienne va donner à Aristide l’occasion de revenir à Courtenay. Son père lui ordonne d’accompagner sa mère dans la région où elle garde des contacts, pour la mettre à l’abri. Aristide désire ardemment agir pour chasser les prussiens hors de France. A Courtenay, un sergent en retraite organise une compagnie de 70 francs-tireurs prêts à en découdre avec l’ennemi. Aristide les rejoint. « Le conflit franco-allemand de 1870 met en lumière l’utilisation de nombreuses troupes « non régulières ». Parmi celles-ci, les corps francs et francs-tireurs. Dès octobre 1870, ils sont amalgamés à l’armée d’active sous le nom d’« armée de la défense nationale », où, la plupart du temps, ils servent à éclairer la marche. Leur plus grande caractéristique est leur existence légale, en effet ils sont autorisés à se former par l’instruction impériale du 28 mars 1868. Toutefois, ils doivent pour la plupart s’armer, s’équiper et s’habiller à leurs frais. »( https://archives.defense.gouv.fr/terre/histoire-et-patrimoine/histoire/histoire-des-unites/les-francs-tireurs.html). La contribution des « gars de Courtenay » au conflit sera modeste. Dès la fin de la guerre, Aristide rentre à Paris et reprend son travail d’apprenti bijoutier. Après une période d’exemption achetée par son père qui ne voulait pas perdre le salaire de son fils, Aristide fera son service militaire au 113ème régiment d’infanterie de ligne à Melun pour lequel il écrira la chanson « le 113ème de ligne » à l’occasion des grandes manœuvres de 1880.
La famille d’Aristide Bruant au moulin de Liffert
Aristide ne s’est jamais marié. Il a eu une liaison au début des années 1880 avec une artiste lyrique, Marie Louise Emilie Marion, qui lui a donné un fils : Aristide Louis Armand Marion « de père non dénommé » né en 1883. Aristide Bruant assiste à l’accouchement. Il reconnaîtra officiellement l’enfant le 9 novembre 1899 (maître Daniel Lambry, notaire à Courtenay). Marie Louise Marion meurt en 1888 (ou 1891) à 34 ans, son fils a 5 ans, et est dorénavant recueilli par son père.
Aristide Louis Armand Bruant est poète, il appartient à la société des gens de lettres. Après avoir fait Saint Cyr (1903 – 1905, 88e promotion de La Tour-d’Auvergne), en 1914 il part à la guerre. Après trois blessures il meurt au Chemin des Dames le 16 avril 1917 à la tête de ses troupes. Il a 33 ans. Il avait été nommé chevalier de la légion d’honneur le 14 avril 1917. Il est inscrit au Panthéon dans la liste des 560 écrivains morts pour la France.


Au début des années 1890, Aristide Bruant rencontre Mathilde Tarquini d’Or avec laquelle il s’établit et qu’il considérera comme son épouse bien qu’il ne puisse pas se marier car Mathilde a contracté très jeune (elle avait 19 ans à la naissance de son fils) un mariage indissoluble avec un horloger italien, Brutus Tarquini, vivant à Buenos Aires. Mathilde est elle-même fille d’horloger. Elle devient artiste lyrique (chanteuse à l’Opéra Comique, mezzo soprano). Elle meurt à Bourg-la-Reine le 2 décembre 1945 à 82 ans et est enterrée à Subligny. Elle sera la légataire universelle d’Aristide Bruant.

Mathilde Tarquini d’Or a elle-même un fils de son mariage avec Brutus Tarquini : Brutus Attila Tarquini, né en 1882 à la Chaux-de-Fonds en Suisse et mort en 1949 à Sens, artiste lyrique, chanteur à l’Opéra Comique (basse). Sa fin fut tragique : à Liffert, en voulant lever la vanne du moulin, il perdit pied et tomba sur le pont, sa tête heurtant le parapet, d’après le témoignage de la fille des gardiens de Liffert, recueilli par Michèle Dassas pour son livre « au pays d’Aristide Bruant, ed CPE, 2011.

Le fils d’Aristide et celui de Mathilde avaient pratiquement le même âge. Ils exploreront ensemble la campagne autour de Liffert.
Le domaine de Liffert
En 1894, fortune faite, Aristide Bruant acquiert le domaine de Liffert (acte passé devant Me Lambry, transcrit aux hypothèques le 24 mars 1894, conservé aux Archives Départementales d’Orléans). Ce domaine appartenait à madame Louise Céline Guillemineau, veuve de monsieur Charles Coppin en son vivant notaire à Villeneuve sur Yonne. Celle-ci l’avait recueilli dans la succession de ses parents : monsieur Louis Etienne Guillemineau, docteur en médecine, décédé en 1884 et madame Brigitte Sophie Cuissard, son épouse décédée en 1881. A l’époque, ce domaine, comptant en tout dix-sept hectares et quarante et une ares dont des terres cultivées, des vignes et des bois, abritait un moulin et ses dépendances :
– un moulin à eau muni de tous ses agrès sur deux étages avec deux chambres à feu au sud du moulin, une petite laiterie, une écurie, un fournil avec son four et un poulailler, grenier carrelé au-dessus des chambres et grenier parqueté au-dessus de l’écurie et du fournil, le tout couvert de tuiles.
– un autre bâtiment adossé à l’ouest du précédent avec une façade au sud, associant une écurie, une vacherie et des toits à porcs. Grenier non carrelé au-dessus du tout couvert de tuiles.
– un autre bâtiment séparé des précédents à l’ouest de la cour avec sa façade à l’est comportant un hangar sur poteaux servant de remise à voitures. Grenier plancheté avec des planches non jointes.
– aussi un puits au nord de ces bâtiments ; une cave sous terre à l’emplacement d’un ancien four à tuiles, grenier au-dessus ; une grange composée d’une aire et de deux chas avec des batteries de chêne équarri au-dessus. Sur ces batteries sont posées des planches de bois blanc non jointes, et adossé en appentis un toit servant de clapier, le tout couvert en tuiles
Il est acquis pour la somme totale de 30 000 Francs, auxquels il faut rajouter 5600 Francs pour l’acquisition le même jour auprès de M et Mme Huet de terres contiguës au domaine de Liffert pour une surface de 1.47 ha.
Dans les années qui suivent, Aristide Bruant va acquérir de nouvelles terres et apporter des transformations importantes au domaine qui comptera plus de 40 hectares. A l’étage du moulin il installe une réplique de son cabaret « le Mirliton ». En 1912-1913 il fait construire une villa (« le château ») sur les bords de la Cléry, sur une terre située en face du moulin de Liffert.

Vue d’ensemble du domaine de Liffert (1914) (plan d’architecte conservé aux Archives Départementales du Loiret.)

Aristide Bruant, châtelain de Liffert

Lorsqu’Aristide Bruant s’installe à Liffert, et même s’il continue à séjourner fréquemment à Paris pour ses activités professionnelles, il ne considère pas le domaine comme une résidence secondaire. Des carnets, conservés aux Archives Départementales du Loiret (série 602, fond Bruant), montrent avec quelle minutie il s’intéresse à tous les aspects du domaine : il dessine lui-même les plans du jardin, liste les légumes qu’il veut voir pousser dans le potager et à quel moment les planter, décrit la fabrication du cidre, surveille la gestion du domaine (baux de chasse par exemple). Il collige même la liste de ses chiens chéris avec leur date de naissance et de mort.

Plan du jardin de Liffert dessiné par Aristide Bruant

Les chiens

Il est loin le temps où le jeune Bruant ne s’intéressait pas au calcul …

Pour l’hiver : purge des canalisations …

Le devenir du domaine de Liffert après la mort d’Aristide Bruant
Le testament d’Aristide Bruant
Dans son testament établi en 1920, Aristide Bruant souhaite que tous ses biens soient vendus pour assurer une rente viagère à Mathilde Tarquini, seule héritière depuis la mort d’Aristide Bruant fils, et légataire universelle. Celle-ci vendra effectivement les terres, mais choisira de garder la maison de Liffert qu’elle habitera et transmettra à son fils Brutus.
Le domaine de Liffert pendant la deuxième guerre mondiale
Pendant cette période Mathilde Tarquini réside le plus souvent à Paris.
La maison et le moulin de Liffert sont occupés par des officiers allemands totalement du 30 Juin au 4 Juillet 1940 (7 officiers dans la maison, 12 officiers et sous-officiers dans le moulin et la ferme, une centaine d’hommes dans le pré et les granges), puis partiellement du 25 août au 29 octobre 1940 (oberleutnant von Bulow et 3 hommes).
En novembre 1940 par deux fois des soldats allemands sont venus au domaine avec un camion pour cambrioler la maison qu’ils ont pratiquement vidée. Les protestations du garde-chasse chargé de surveiller le domaine sont restées lettre morte ce d’autant qu’il ne s’agissait pas là d’un cas isolé …
Après la mort de Mathilde Tarquini en 1945, le domaine revient à son fils Brutus. Lorsque celui-ci meurt à son tour en 1949, sa fille revend le domaine en 1950.
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