La Jacqueminière, du château au lotissement

Le domaine de la Jacqueminière, de plus de 300 hectares de terres et de bois, avec de nombreux étangs, forme avec celui de Vaulxfins la limite sud du territoire de Courtenay. Initialement propriété du Chapitre Cathédral de Sens, il est acquis en propre au milieu du XVIème siècle par un nommé Jean Ferrand, premier seigneur identifié de la Jacqueminière.

Ce Jean Ferrand (1489 – 1559) est un ecclésiastique important : Archidiacre du Gâtinais, vicaire général du cardinal-archevêque de Sens Louis de Bourbon-Vendôme, chanoine de Sens, prieur de Notre-Dame de Joigny, prieur de Saint-Pierre de Courtenay, il fonde plusieurs chapelles à Joigny, sa ville de naissance d’où est originaire sa famille : chapelle de la Vierge, dans le cimetière de l’église Saint André, Hôtel-Dieu Saint Antoine qu’il reconstruit, chapelle dite de « la coupe » près de l’Hôtel-Dieu. Jean Ferrand appartient à une famille de riches marchands de Joigny. Le plus ancien ancêtre connu était tavernier, rédacteur du règlement de la Maîtrise des Bouchers et Taverniers de la ville de Joigny en 1440. Son grand père et son arrière-grand-père étaient des marchands tanneurs. Son père Nicolas Ferrand était receveur du comté, lieutenant général du bailliage de Joigny, garde du grenier à sel de Joigny, prévôt de Saint Julien du Sault. C’est lui qui pour la première fois dans la famille, porte un titre nobiliaire : seigneur d’Arcis, illustrant l’évolution de riches roturiers vers la petite noblesse. C’est probablement Jean Ferrand qui fit construire un petit château en lieu et place de la métairie de la Jacqueminière.

A sa mort en 1559, Jean Ferrand fait donation de la seigneurie de la Jacqueminière à son neveu Christophe Ferrand, écuyer, receveur du taillon à Sens puis à Melun.

Eloigné de Courtenay, Christophe Ferrand revend le 15 avril 1574 le domaine de la Jacqueminière à Louis de Lenfernat pour que celui-ci dote son frère Artus à l’occasion de son mariage :

Paul Gache dit : « Le 27 janvier 1573 Artus de Lenfernat, homme d’armes de la compagnie du seigneur Clermont d’Amboise, épouse Charlotte de Saint-Phalle, une des filles de Richard, baron de Cudot et de Saint-Martin d’Ordon. Artus de Lenfernat est fils de Jean de Lenfernat, seigneur de La Motte-Prénoy à Charbuy près d’Auxerre et de Michelle d’Assigny et son frère aîné, Louis de Lenfernat, pour le doter convenablement, achète 4500 livres La Jacqueminière le 15 avril 1574 à Christophe Ferrant, somme dont le reliquat de 860 livres est versé par Artus le 24 mars 1579. Ce sont donc les Lenfernat, ayant pour devise « Qui fait bien /’Enfer n’a» , qui vont profiter pendant plus d’un siècle du château des Ferrand.

Il s’agit, comme Artus, d’« hommes d’armes» dont le plus brillant a été son petit fils Charles de Lenfernat, chevalier, né en 1602. Il participe à la guerre de Trente ans et épouse successivement Marguerite de Montbrun et Claude du Plessis, ayant plusieurs enfants de chacune d’elles dont plusieurs moururent jeunes, si bien qu’un seul des fils survécut, Edmé. On observe qu’après la Fronde Charles de Lenfernat parvient à une aisance certaine parmi les vassaux du comte de Courtenay, sa deuxième épouse lui ayant apporté la seigneurie d’Asnières, près de Champignelles. C’est d’ailleurs là qu’il mourut en février 1662, mais on l’inhume, comme ses prédécesseurs en la chapelle St Léonard de l’église Saint Pierre de Courtenay. C’est son fils Edmé de Lenfernat, né en 1645, qui, après le décès de sa mère, Claude du Plessis, en 1674, apportera une première amélioration en château de La Jacqueminière, en faisant tracer, à l’Est de celui-ci, un jardin d’agrément aux allées droites se coupant à angle droit, allant jusqu’à la retenue du grand étang y alimentant des pièces d’eau. Ce «jardin à la française» comme on le qualifiera plus tard passe pour avoir été le plus beau de Courtenay à l’époque ».

 Marié à Catherine Sauvat, Edmé eut deux enfants qui lui survécurent : sa fille aînée Anne, née le 17 avril 1678 et un fils Jean Baptiste Gaston de Lenfernat (1691 – 1764) seigneur d’Asnières, la Grange Rouge et Villars. Anne épouse Gaston Joseph de Montigny, fils aîné de Guillaume de Montigny et Anne de Canaye. Pierre François de Montigny, le frère cadet de Gaston Joseph devient seigneur de la Jacqueminière. Il décède le 10 mai 1748 à la Jacqueminière et est enterré dans la chapelle des pénitents de Courtenay. Sans descendance, c’est son neveu, Gaston de Montigny, fils d’Anne Marie de Lenfernat et de Gaston Joseph de Montigny qui hérite.

Il revend le domaine à Jean Louis Sochet, notaire à Montcorbon. Celui-ci meurt peu après cette acquisition, peut être le 7 février 1754, à 42 ans. Sa veuve Marie Louise Thomas revend le domaine à Jacques Gillet, conseiller du Roi en l’élection de Joigny. Celui-ci meurt le 23 avril 1764 à 54 ans.

Le domaine revient à son plus jeune fils Louis Charles Gillet de la Jacqueminière. Celui-ci aura une vie longue (né en 1752 à Saint Julien du Sault il mourra à Paris en 1836 à 84 ans) et une carrière politique brillante (maire de Courtenay, député de Montargis à l’assemblée constituante, membre fondateur de la Cour des Comptes …). Retenu à Paris par ses obligations professionnelles, veuf depuis longtemps, n’ayant que des filles dont les maris ont leurs propres domaines, Louis Charles Gillet de la Jacqueminière vendra le domaine en 1826 à Jean Quenard, notaire à Courtenay.

La fille unique de Jean Quénard, Aurélie, née le 31 mai 1829 à Courtenay épouse à Paris (12ème arrt ancien) le 23 Juin 1851 Alexandre « Edmond » Becquerel, professeur de physique au muséum d’histoire naturelle, président de l’académie des sciences, fils d’Antoine Becquerel de Chatillon Coligny. Le couple aura deux enfants : Henri Becquerel (1852 – 1908) prix Nobel de physique avec Pierre et Marie Curie et André Paul Becquerel (1856 – 1904), propriétaire agriculteur. Aurélie décède le 2 avril 1890 au château de la Jacqueminière, et Edmond Becquerel le 14 mai 1891 à Paris 5éme. La femme de Jean Quenard décède le 4 mars 1901 à 94 ans au château de la Jacqueminière.

C’est André Paul Becquerel qui hérite de la Jacqueminière. On le retrouve dans l’annuaire des châteaux et des départements 1898-1899 (Gallica). Cet annuaire donne la Jacqueminière comme seule adresse d’André Paul Becquerel. Il épouse en 1899 Clémentine Désirée Souchet, reconnaissant de ce fait deux enfants : Paul né en 1879 et Jacques André Maurice né en 1889. C’est à celui-ci que reviendra le château de la Jacqueminière.

 En 1936, La Jacqueminière appartient encore à la famille Becquerel. Les habitants sont Théodore Gouget, jardinier, sa femme Marie Broutin et leurs quatre fils (recensement AD 45 vue 39). Le propriétaire est Jacques André Maurice Becquerel (1889 – 1969), fils d’André Paul, grade de chevalier du mérite agricole JO 19 août 1923, agriculteur à Courtenay. Par ailleurs, il est noté appartenir au Grand Orient de France le 22 août 1941, avocat à Paris (JO 22/8/1941). Maurice Becquerel meurt à Paris le 18 septembre 1969, marié sans enfants.

En 1969, une partie des terres qui entourent le château est vendue par monsieur François Javey, alors propriétaire du domaine, pour construire un lotissement prévu initialement pour 1050 habitations secondaires.

Le propriétaire actuel du château de la Jacqueminière est Mr Pierre Javey son fils né en 1940.

Plan cadastral de la Jacqueminière (https://www.cadastre.gouv.fr/)


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